Moustique tigre : en 2024, l’insecte venu d’Asie a été officiellement repéré dans 78 départements français, soit 15 de plus qu’en 2022. Avec une vitesse moyenne d’expansion de 250 km par an (donnée ECDC, 2023), ce minuscule voyageur bat des records dignes d’un TGV. Un moustique, oui, mais pas n’importe lequel : il peut transmettre le chikungunya, la dengue ou le Zika. Autant dire que la santé publique française lui accorde désormais la même attention qu’à une finale de Roland-Garros sous orage.


Le moustique tigre : un envahisseur qui voyage léger

Identifié scientifiquement comme Aedes albopictus, le « tigre » est arrivé en France en 2004 par l’axe autoroutier A8, via un lot de pneus usagés (détail croustillant : les œufs survivent jusqu’à 12 mois dans un pneu sec). Depuis, la progression est fulgurante :

  • 2006 : premiers signalements en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • 2015 : installation durable en Île-de-France.
  • 2024 : présence confirmée des Pyrénées-Atlantiques au Bas-Rhin, selon Santé publique France.

Pourquoi si rapide ? Parce qu’il lui suffit d’une soucoupe de 3 cl d’eau pour pondre 150 œufs, soit moins qu’un expresso. De plus, le réchauffement climatique (températures moyennes +1,7 °C depuis 1990 en France) lui offre un tapis rouge. D’un côté, la hausse des échanges commerciaux favorise son voyage, de l’autre, les hivers doux lui permettent de survivre là où il gelait encore il y a dix ans.

Anecdote de terrain : lors d’un reportage à Perpignan en juillet 2023, j’ai compté 19 piqûres en 30 minutes, malgré un spray répulsif flambant neuf. Le tigre ne plaisante pas.


Quels risques pour la santé publique ?

Le moustique tigre n’est pas toxique en lui-même, c’est son rôle de vecteur qui inquiète les autorités. Comment se passe la transmission ? Très simplement : l’insecte pique une personne infectée, récupère le virus, puis l’inocule lors de la piqûre suivante. Trois maladies majeures sont sur la ligne de front :

  1. Dengue : 348 cas autochtones détectés en France métropolitaine en 2023, un record absolu.
  2. Chikungunya : plusieurs foyers limités depuis 2010, dont celui de Montpellier (12 cas) en 2014.
  3. Zika : pour l’instant, aucun foyer métropolitain, mais l’OMS classe la France parmi les pays « à risque d’émergence ».

De 2020 à 2023, l’Institut Pasteur estime que le potentiel de transmission a augmenté de 70 % dans le quart sud-est. Le décor est posé : plus de moustiques, plus de voyageurs revenant de zones tropicales, donc plus de virus en circulation.

Qu’est-ce que la « période critique » ?

Entre juin et novembre, la densité de moustiques adultes explose grâce aux pluies orageuses et aux températures supérieures à 25 °C. C’est là que l’on observe l’essentiel des cas autochtones. Surveillance renforcée, pulvérisations ciblées et communication à grande échelle deviennent la trinité défensive des autorités régionales.


Comment se protéger du moustique tigre au quotidien ?

Stopper Aedes albopictus n’exige pas un arsenal de science-fiction ; un jardin bien entretenu suffit. Voici le triptyque gagnant, validé par la Direction générale de la santé :

  • Vider les soucoupes, seaux et gouttières une fois par semaine.
  • Ranger les bâches et pneus à l’abri de la pluie (oui, ces fameux pneus).
  • Installer des moustiquaires fines (1,5 mm) sur fenêtres et berceaux.

Côté répulsifs cutanés, privilégiez ceux à base d’icaridine (20 %) ou DEET (30 %). Et n’oublions pas l’option « mode ninja » : porter des vêtements longs, plutôt clairs (le tigre aime les couleurs sombres). Les municipalités, elles, déploient des pièges pondoirs et des lâchers de mâles stériles, une méthode testée à La Réunion et expérimentée depuis 2022 à Montpellier.

Petit clin d’œil historique : au XIXᵉ siècle, Georges Laveran découvrait le rôle du moustique dans la malaria. Deux siècles plus tard, nous répétons l’histoire, version dengue.


Entre mythes et réalités, où va la lutte ?

D’un côté, certains élus réclament des pulvérisations massives d’insecticides, comme lors de la campagne de 2015 à Nice. De l’autre, les écologistes alertent sur l’impact sur les pollinisateurs et la biodiversité. Le compromis ? Des interventions ciblées, uniquement en cas de foyer confirmé. En 2023, 92 % des traitements adulticides ont eu lieu dans un rayon de 200 m autour des patients, montre un rapport du Ministère de la Transition écologique.

Autre débat : la lutte biologique par bactéries Wolbachia, déjà déployée avec succès à Singapour. Elle réduit de 80 % la capacité du moustique à transmettre la dengue. Des essais pilotes démarrent à Nîmes courant 2024. Les résultats seront scrutés comme le score d’un France-Nouvelle-Zélande en rugby : chaque point compte.


Pourquoi certaines régions sont-elles plus touchées ?

Les zones urbaines denses, aux micro-bouillons de chaleur, offrent un paradis aux larves. Les villes portuaires (Marseille, Bordeaux, Le Havre) combinent échange maritime et climats tempérés : un cocktail idéal. À l’inverse, les plateaux au-delà de 800 m restent globalement épargnés, car la femelle tigre déteste le froid sec. Mais attention : avec +0,3 °C par décennie, ces « zones refuges » rapetissent à vue d’œil.


Et maintenant, à vous de jouer !

Si vous avez lu jusqu’ici sans vous gratter, bravo ! La surveillance citoyenne reste l’arme la plus rapide : photographiez, signalez sur Signalement-Moustique et partagez vos actions dans votre quartier. Ceux qui s’intéressent déjà à la qualité de l’air ou aux allergies polliniques trouveront là un nouveau champ d’action concret. Quant aux globe-trotters, pensez à vérifier vos vaccinations pour voyageurs et à appliquer ces conseils dès l’aéroport.

Personnellement, je rêve du jour où mon café du matin ne sera plus accompagné du bzzz typique de l’ennemi rayé. En attendant, chaque geste compte : rangez ce vieux arrosoir, installez la moustiquaire, et faisons reculer ensemble le moustique tigre avant qu’il ne fasse de nos étés une symphonie de démangeaisons.