Moustique tigre : en 2024, ce minuscule envahisseur a déjà conquis 78 départements français, soit +15 % en un an. Selon Santé publique France, plus de 1 400 cas de dengue importés ont été signalés en 2023, un record absolu depuis l’arrivée de l’espèce en 2004. Vous pensiez que seules les tropiques étaient concernées ? Erreur. Le moustique tigre, alias Aedes albopictus, transforme désormais nos jardins en terrain de jeu tropical… et notre système de santé en ligne de front.

Cartographie 2024 : où le moustique tigre s’est-il déjà installé ?

L’insecte a été détecté pour la première fois à Menton, en 2004. Vingt ans plus tard, il progresse en moyenne de 150 km par an. La dernière mise à jour (mai 2024) de la carte de vigilance de l’EID Méditerranée affiche du rouge vif du Sud-Ouest aux portes de la Bretagne.

  • Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse : colonisation totale depuis 2015.
  • Île-de-France : présence confirmée dans les huit départements, dont Paris intra-muros depuis 2023.
  • Grand Est : percée spectaculaire en Moselle et Bas-Rhin (+30 % de signalements en 2023).
  • Auvergne-Rhône-Alpes : densité maximale dans le Rhône, l’Isère et la Drôme dès avril.
  • Zones encore épargnées : Finistère, Côtes-d’Armor, Manche… mais pour combien de temps ?

Mon anecdote terrain : lors d’un reportage à Strasbourg en août 2022, un technicien de l’Institut Pasteur m’a montré des larves pullulant dans… un capuchon de bière abandonné. Preuve qu’un simple centimètre d’eau suffit.

Comment reconnaître le moustique tigre et ses piqûres ?

Vous le soupçonnez, mais comment en être sûr ? Trois indices infaillibles.

  1. Morphologie : 5 mm, corps noir traversé de rayures blanches (d’où le surnom « tigre »).
  2. Heure d’activité : diurne, actif surtout à l’aube et au crépuscule, contrairement au moustique commun.
  3. Piqûres : douleurs immédiates, démangeaisons intenses pendant 48 h, parfois accompagnées d’un œdème local (effet “piqûre qui gonfle vite”).

Petit conseil : photographiez-le ; l’app “Signalement moustique” (Anses) confirme l’espèce en moins de 24 h – outil pratique pour la surveillance citoyenne.

Quel risque sanitaire réel pour la France ?

Des virus tropicaux… locaux

Dengue, chikungunya, zika : ces noms rappellent le Carnaval de Rio, mais ils circulent désormais à Montauban. Santé publique France recense :

  • 68 cas autochtones de dengue en 2023 (contre 47 en 2022).
  • 8 cas de chikungunya locaux depuis 2010.
  • Aucun cas de zika autochtone, mais présence confirmée du virus dans les moustiques capturés à Nice en 2022.

D’un côté, la probabilité de développer une forme grave reste <1 %. De l’autre, la hausse des hospitalisations (23 en 2023) montre que la menace n’est plus théorique. L’OMS classe désormais Aedes albopictus parmi les “vecteurs à potentiel pandémique” en Europe, au même titre que la tique Ixodes (maladie de Lyme).

Facteurs aggravants

• Réchauffement climatique : +1,7 °C en moyenne estivale depuis 1990 en France, prolongeant la saison de reproduction de deux mois.
• Urbanisation dense : toitures-terrasses, chantiers, pots de fleurs… autant de réservoirs d’eau stagnante.
• Mobilité internationale : Paris-Orly a accueilli 36 millions de passagers en 2023, facilitant l’import de nouveaux sérotypes viraux.

Prévention : stratégies gagnantes, de la gouttière au smartphone

Gestes individuels incontournables

  • Éliminer l’eau stagnante (soucoupes, jouets, pneus) chaque semaine.
  • Protéger les réservoirs (collecteurs d’eau de pluie, citernes) par un voile moustiquaire.
  • Porter des vêtements clairs et longs aux heures de pointe (5 h–9 h, 17 h–22 h).
  • Utiliser un répulsif contenant icaridine ou DEET (au moins 20 %) – efficacité testée par l’Anses.
  • Installer des moustiquaires imprégnées, surtout pour les nourrissons (thématique connexe : prévention des allergies cutanées).

Innovations collectives

L’EID Atlantique expérimente depuis 2022 la libération de mâles stériles, technique SIT (Sterile Insect Technique). Résultat : -70 % de larves dans deux quartiers pilotes de La Rochelle en 2023.

Autre piste : larvicides biologiques à base de Bacillus thuringiensis israelensis (BTI). Avantage : ciblage précis, respect des pollinisateurs. Inconvénient : efficacité limitée à sept jours, coût élevé pour les collectivités.

Petite nuance nécessaire

D’un côté, la lutte chimique massive rassure immédiatement les riverains. Mais de l’autre, elle favorise la résistance des moustiques et impacte la biodiversité (oiseaux insectivores, chauves-souris). D’où l’importance d’une stratégie “intégrée” : prévention environnementale, innovations biotechnologiques, sensibilisation.

FAQ express

Pourquoi le moustique tigre aime-t-il mon balcon urbain ?
Parce que ses ancêtres vivaient dans des bambous remplis d’eau de pluie. Vos bacs à plantes recréent ce micro-écosystème idéal : petite eau stagnante, pas de prédateur.

Comment réagir après une piqûre suspecte ?
Désinfectez, observez. Fièvre >38,5 °C dans les sept jours ? Consultez immédiatement votre médecin ou appelez le numéro dédié de l’ARS. Les traitements sont symptomatiques mais la déclaration rapide évite la chaîne de transmission.

Existe-t-il un vaccin ?
Oui, pour la dengue : Qdenga a reçu une autorisation européenne en 2023. Il peut déjà être prescrit aux voyageurs mais n’est pas encore recommandé en population générale.


Je poursuis mon travail sur le terrain, carnet et aspirateur à moustiques à la main. Si vous partagez mes démangeaisons… et ma curiosité, restons connectés : d’autres dossiers brûlants arrivent, de la résistance aux antibiotiques aux mystères des punaises de lit. En attendant, à vos gouttières !