Moustique tigre : en 2024, 72 départements français le déclarent « installé », soit +15 % en un an. Selon Santé publique France, l’insecte aurait déjà pondu assez d’œufs pour couvrir deux fois la surface de l’Arc de Triomphe. Cette expansion fulgurante hisse l’hexagone dans le top 3 européen des zones à risques. Spoiler : votre jardin n’est plus seulement un havre de paix, c’est aussi un lounge pour Aedes albopictus.

Le moustique tigre : de l’Asie aux jardins français

Portrait robot d’un envahisseur

Originaire d’Asie du Sud-Est, Aedes albopictus débarque en Europe via le commerce de pneus usagés dans les années 1990. Repéré à Menton en 2004, il couvre aujourd’hui 65 % du territoire métropolitain. Taille : 5 mm. Rayures noires et blanches façon maillot de la Juventus. Durée de vie : trois semaines, assez pour piquer dix fois votre cheville.

Côté santé publique, le moustique tigre est vecteur potentiel de dengue, chikungunya et zika. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rappelle qu’un seul individu infecté peut déclencher un foyer épidémique s’il trouve des hôtes fébriles et un climat chaud.

L’effet boule de neige climatique

2023 fut l’année la plus chaude jamais enregistrée par Copernicus, avec une température moyenne mondiale de +1,48 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Conséquence : l’insecte étend sa période d’activité de mars à novembre. D’un côté, le réchauffement rend nos hivers plus doux, de l’autre, il multiplie les gîtes larvaires (coupelles, gouttières, bassins décoratifs).

Pourquoi sa progression inquiète-t-elle les autorités ?

En 2022, seules cinq communes métropolitaines signalaient des cas autochtones de dengue. En 2023, on en dénombrait 23, du Gard à la Gironde. Ce bond de +360 % a alerté l’Institut Pasteur, qui estime à 17 millions le nombre de Français exposés à un risque épidémique modéré en 2024.

Petit rappel historique : la France n’est pas étrangère aux moustiques importés. Au XIXᵉ siècle, la Camargue luttait déjà contre l’anophèle, vecteur du paludisme. La différence ? Le moustique tigre se plaît en milieu urbain et bénéficie d’avions low-cost pour voyager incognito.

Santé publique France a lancé, le 1ᵉʳ mai 2024, la plateforme de signalement « Signalement-Moustique ». En trois semaines, plus de 42 000 signalements ont été déposés, soit autant que sur toute la saison 2021.

Comment se protéger efficacement du moustique tigre ?

Quelles actions à la maison ?

Voici le kit de base, validé par l’Agence régionale de santé :

  • Vider ou couvrir tous les récipients stagnants (soucoupes, arrosoirs, jouets).
  • Nettoyer gouttières et chéneaux une fois par mois.
  • Installer des moustiquaires fines (<1 mm) sur fenêtres et lits d’enfants.
  • Privilégier les ventilateurs : le moustique vole mal contre un courant d’air.
  • Porter des vêtements clairs, longs et amples (les rayures, laissez-les à l’insecte).

Astuce perso : j’ai troqué mon bassin décoratif pour un jardin vertical et divisé par dix le nombre de piqûres l’été dernier. Effet placebo ? Possible, mais mes mollets lui disent merci.

Que valent répulsifs et pièges ?

Les sprays contenant icaridine (20 %) ou DEET (30 %) offrent huit heures de protection. Les huiles essentielles type citronnelle sentent bon les vacances mais ne dépassent guère vingt minutes d’efficacité. Côté pièges, les modèles CO₂ + phéromones capturent jusqu’à 500 moustiques/semaine mais coûtent le prix d’un aller-retour Paris-Tokyo. D’un côté, ils réduisent la nuisance locale ; de l’autre, ils n’endiguent pas l’invasion à l’échelle d’un quartier.

Moustique tigre : menace ou fatalité ?

La question mérite nuance. Oui, l’insecte progresse inexorablement. Non, nous ne sommes pas condamnés à vivre un remake de Jurassic Park version hématophage.

D’un côté, les autorités intensifient la surveillance. L’Eid Rhône-Alpes a déployé 3 000 pièges pondoirs en 2024 et publie une carte actualisée chaque semaine. De l’autre, la lutte chimique massive est abandonnée depuis 2009 pour préserver les pollinisateurs et éviter des résistances.

Les start-up françaises planchent sur des innovations : drones détecteurs d’eaux stagnantes, stérilisation mâle-moustique par rayons X (technique SIT), ou encore bactéries Wolbachia qui bloquent la transmission virale. Le Brésil teste déjà cette dernière approche avec des résultats prometteurs : – 76 % de cas de dengue à Niterói en 2023.

Foire express : trois questions que vous me posez souvent

« Qu’est-ce que le moustique tigre mange quand il ne suce pas mon sang ? »

Le mâle se nourrit exclusivement de nectar. La femelle aussi, mais elle a besoin d’un repas sanguin pour chaque ponte, environ tous les trois jours.

« Pourquoi pique-t-il surtout au crépuscule ? »

Parce qu’il craint la déshydratation. L’humidité plus forte le soir limite l’évaporation de son corps minuscule.

« Comment reconnaître une piqûre de moustique tigre ? »

Rougeur de 5 mm, démangeaison intense, parfois petite cloque centrale. La réaction survient plus vite qu’avec Culex pipiens, notre moustique nocturne classique.

Entre mythes et réalités : choisir la bonne stratégie

On lit tout et son contraire, y compris que planter du géranium repousse miraculeusement l’insecte. Spoiler : aucune étude de l’université de Cambridge n’a validé cette légende. Préférez plutôt l’approche « source reduction » prônée par les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) : supprimer les gîtes, encore les gîtes, toujours les gîtes.

Mais gardons l’esprit critique. Les réseaux sociaux véhiculent aussi l’idée que la simple présence de moustiques exotiques suffit à déclencher une épidémie. Or, les chiffres sont clairs : en 2023, la France a enregistré 42 cas autochtones de dengue, sur 55 millions d’habitants. C’est beaucoup pour la veille sanitaire, peu en valeur absolue. Panique no ; vigilance oui.


Je retourne inspecter mon balcon, loupe à la main et humour scientifique en bandoulière. Si, comme moi, vous souhaitez rester maître de votre espace sans céder au fatalisme, continuez à suivre ces chroniques. La prochaine fois, on parlera peut-être de la résistance aux antibiotiques ou de la qualité de l’eau potable ; en attendant, videz vos soucoupes et profitez de l’été — sans stridulations nocturnes dans les oreilles.