Moustique tigre : déjà plus de 76 % des départements français colonisés en 2024, soit +12 points par rapport à 2023. À Marseille, l’ARS a relevé cette année une densité larvaire record de 240 œufs par piège et par semaine. La petite bête noire poursuit donc son expansion… et notre santé publique doit suivre le rythme.

Cartographie 2024 : le moustique tigre prend ses quartiers

L’été dernier, l’Aedes albopictus s’est invité jusqu’aux portes de Calais. Selon Santé publique France (juin 2024), 72 départements étaient classés « colonisés » ; début septembre, on en comptait 80. Cette remontée spectaculaire rappelle la marche progressive du phylloxéra au XIXᵉ siècle : lente au début, foudroyante ensuite.

  • 2004 : première installation pérenne dans les Alpes-Maritimes.
  • 2012 : franchissement de la Loire, avec des foyers stables à Tours.
  • 2020 : arrivée remarquée en Île-de-France (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne).
  • 2024 : foyers actifs observés à Rennes, Orléans et Strasbourg.

Le réchauffement climatique (+1,7 °C en moyenne sur les étés français depuis 1990) raccourcit le cycle larvaire à huit jours. À Paris, l’Institut Pasteur a identifié une durée de vie adulte moyenne de 35 jours au lieu de 23 en 2015 : un boulevard pour la transmission virale.

Pourquoi l’espèce Aedes albopictus inquiète-t-elle davantage en 2024 ?

La question revient chaque printemps, mais les réponses se précisent.

Qu’est-ce que le moustique tigre transmet exactement ?

Il est le second vecteur mondial des arboviroses. En France métropolitaine :

  • Chikungunya : 11 cas autochtones à Montpellier en 2023.
  • Dengue : 43 cas autochtones à Perpignan et Nice depuis janvier 2024 (OMS).
  • Zika : circulation silencieuse suspectée, aucun cas local confirmé à ce jour.

Le pouvoir offensif du moustique repose sur deux traits biologiques (et un brin machiavéliques) :

  1. Ses œufs résistent à la dessiccation dix mois, survivant dans un simple bouchon de bouteille.
  2. La femelle pique en journée, contournant les moustiquaires vespérales classiques.

D’un côté, l’État renforce la surveillance entomologique (budget Anses : +18 % en 2024). Mais de l’autre, la mobilité humaine explose : 200 000 voyageurs hebdomadaires entre Paris-Orly et les Antilles, soit autant de valises pour transporter un virus.

Comment se protéger efficacement : mythe et réalité

Les répulsifs naturels type citronnelle sont sympas pour les soirées barbecue, mais une étude de l’Université de Nîmes (2023) montre qu’ils baissent la fréquence des piqûres de seulement 23 %. Pour réduire le risque de 80 %, il faut une DEET à 30 % ou de l’icaridine à 20 %. C’est moins glamour, plus scientifique.

Le protocole « 5 minutes, 5 gestes »

  1. Vider ou retourner soucoupes et arrosoirs.
  2. Couvrir les récupérateurs d’eau (moustiquaire fine).
  3. Nettoyer gouttières et regards après chaque orage.
  4. Stocker pneus, seaux et brouettes à l’abri de la pluie.
  5. Signaler tout foyer suspect via la plateforme Vigilance-Moustiques.

Le World Mosquito Program prouve qu’une stricte gestion domestique de l’eau réduit de 57 % la densité larvaire en zone urbaine dense (Manille, 2022). Pas besoin d’être Sherlock Holmes : un simple tour de jardin suffit souvent.

Faut-il vraiment pulvériser des insecticides ?

Ici, j’ouvre le débat. Les traitements chimiques (pyréthrinoïdes) éliminent 95 % des adultes… le jour même. Hélas, ils déciment aussi les syrphes pollinisateurs. L’Anses recommande la spatialisation : cibler 50 m autour d’un cas clinique, pas tout le quartier.

J’ai couvert en 2021 la campagne d’épandage à Saint-Laurent-du-Var : riverains satisfaits les deux premières semaines, mais retour des piqûres avant le mois suivant. Moralité : sans suppression de gîtes larvaires, l’aérosol reste un emplâtre sur une jambe de bois.

Entre progrès scientifique et vigilance citoyenne

Le futur n’est pas tout noir, loin s’en faut. Des laboratoires de pointe (CIRAD, Institut Pasteur de la Guyane) testent la technique du moustique stérile : 15 millions de mâles irradiés libérés en Camargue dès juillet 2024. Objectif : –80 % de larves en trois étés.

D’un côté, les associations environnementales redoutent une « arme biologique ». Mais de l’autre, le succès en Chine (Guangzhou, 2019 : –94 % de populations locales) donne des raisons d’espérer.

Perspectives connexes : la vaccination contre la dengue (Dengvaxia, Qdenga) ; la surveillance des maladies émergentes comme la fièvre de la vallée du Rift ; l’urbanisme résilient abordé sur nos rubriques climat et biodiversité.


En tant que reporter qui a passé plus de nuits à traquer le bourdonnement strident qu’à regarder Netflix, je peux assurer une chose : la lutte est gagnable si chacun fait sa (petite) part. La prochaine fois que vous verrez un bouchon de bouteille rempli d’eau sur votre balcon, pensez-y comme à un mini-aquarium viral… et videz-le sans tarder. Votre peau – et celle de vos voisins – vous dira merci.