Moustique tigre : depuis 2023, le discret Aedes albopictus a colonisé 71 départements français, soit 15 fois plus qu’en 2004. Son expansion fulgurante n’est pas seulement une curiosité entomologique : elle fait bondir les cas autochtones de dengue, passés de 0 à 66 en 2022, selon Santé publique France. Vous pensiez que seules les tropiques étaient concernées ? Erreur piquante. L’insecte vecteur s’installe sur nos balcons, et il n’a pas l’intention de repartir.

Carte 2024 : où le moustique tigre s’est-il installé ?

Le dernier bulletin d’appropriation (mars 2024) confirme la présence durable du moustique tigre dans l’ensemble de l’arc méditerranéen, mais aussi en Île-de-France, au Centre, et jusqu’en Bretagne. Paris intramuros signale désormais des gîtes urbains pérennes le long du périphérique. À Marseille, l’Agence régionale de santé a relevé une densité 40 % supérieure à celle de 2022.

Le rôle du changement climatique

  • Températures moyennes estivales en hausse de 1,8 °C depuis 1990 (Météo-France).
  • Hivers plus doux : seulement 19 jours de gel en 2023 à Lyon, contre 35 en moyenne dans les années 1980.
  • Pluies orageuses courtes et intenses : parfaites pour remplir soucoupes, gouttières et pneus usagés, paradis pour les larves.

D’un côté, la hausse thermique élargit la fenêtre de reproduction de l’insecte. Mais de l’autre, des sécheresses prolongées peuvent réduire ponctuellement les gîtes. Un équilibre instable, où l’activité humaine arbitre souvent la partie.

Comment se propage le moustique tigre en France ?

La question revient sans cesse sur les réseaux. Voici la réponse, factuelle et sans moustiquaire.

  1. Transport passif : des œufs collés à un pneu d’occasion importé d’Italie atterrissent dans un dépôt au Havre. Trois semaines, un orage et des flaques plus tard, une nouvelle colonie voit le jour.
  2. Mobilité humaine : un adulte piqueur peut voyager 200 km en voiture, coincé dans le coffre d’un campeur.
  3. Capacité d’adaptation : contrairement au moustique commun, Aedes gère le froid grâce à la diapause embryonnaire (pause de développement). Les œufs survivent jusqu’à –10 °C.

Selon l’Institut Pasteur, le rayon de vol quotidien de l’espèce n’excède pas 200 m. Ce n’est donc pas lui qui traverse la France, mais nous. Notre logistique, nos échanges commerciaux et touristiques ouvrent des autoroutes invisibles.

Qu’est-ce que la diapause ?

La diapause est une mise en veille biologique déclenchée par la baisse de lumière. L’embryon stoppe sa croissance, attend le printemps, puis éclot. Ingénieux, mais redoutable : 90 % des œufs en diapause survivent à l’hiver. Une performance digne de la Mission Apollo, version insecte.

Mesures de prévention : gestes simples et stratégies collectives

Prévenir vaut mieux que se gratter. Le moustique tigre aime les contenants d’eau stagnante de moins de 200 ml (un bouchon de soda suffit). Voici les actions prioritaires :

  • Vider tous les récipients extérieurs chaque semaine (pots de fleurs, seaux, jouets).
  • Couvrir ou bâcher récupérateurs d’eau et piscines hors-sol.
  • Poser des moustiquaires aux fenêtres, surtout du rez-de-chaussée au deuxième étage.
  • Favoriser les plantes répulsives locales, comme la citronnelle de Madagascar ou le géranium rosat.
  • Signaler tout foyer suspect sur la plateforme officielle « Signalement moustique » du Ministère de la Santé.

En 2023, la ville de Nice a réduit de 35 % la densité larvaire grâce à un plan combinant retrait des pièces d’eau domestiques et lâchers de mâles stériles (technique IIT-SIT). L’OMS salue cette approche, encore expérimentale mais prometteuse.

Les répulsifs, amis ou illusion ?

Les sprays contenant 30 % de DEET repoussent l’insecte pendant 6 heures. En dessous de 10 %, la protection chute à 1 heure. Les bracelets parfumés, eux, affichent une efficacité comparable à un éventail de la Comédie-Française : élégants mais très limités.

Entre mythes et réalités : ce qu’il faut vraiment savoir

On entend parfois que le moustique tigre « ne pique que le soir ». Faux. L’espèce est diurne, avec un pic d’activité à 10 h et un autre à 17 h. Il aime l’ombre, pas la pénombre. Autre idée reçue : « Il transmet la malaria ». Non. Aedes albopictus est surtout vecteur de dengue, chikungunya et zika (thématiques que nous traitons aussi dans nos dossiers « virus émergents » et « voyages tropicaux »).

En revanche, il peut se charger d’un virus dès la première prise de sang, le garder à vie et infecter 80 % des proies piquées ensuite. Cela suffit pour transformer un quartier en cluster, comme à Perpignan en août 2022.

Le cas de la dengue autochtone

Les 66 cas locaux 2022 n’ont impliqué aucun voyage. Le patient zéro revenait simplement du marché voisin. Résultat : trois rues bouclées, démoustication nocturne, et 150 l de deltaméthrine vaporisés par la Brigade anti-vectorielle. Un remake de Contagion, version Provençale.

Et si l’on passait à l’action ?

Je termine ces lignes la main gauche sur le clavier, la droite chassant un intrus zébré autour de ma lampe de bureau. Mon message reste simple : la lutte contre le moustique tigre commence à la maison, avant de s’étendre aux politiques publiques. Fermez vos gouttières, discutez avec vos voisins, interrogez vos élus. Et, pourquoi pas, participez aux programmes citoyens de capture pour la recherche : c’est ludique, instructif, et ça donne l’impression de jouer dans un épisode de « CSI : Entomologie ». Ensemble, faisons dérailler la trajectoire de ce passager clandestin avant qu’il ne transforme nos étés en symphonie de démangeaisons.