Le moustique tigre n’a jamais autant mordu l’actualité : selon le ministère de la Santé, 72 départements français étaient colonisés en mai 2024, contre 58 en 2020, soit une progression fulgurante de 24 %. À Montpellier, l’insecte a été détecté dès la mi-mars, un mois plus tôt qu’en 2023. Vous pensez encore qu’il s’agit d’un problème « exotique » ? Mauvaise piqûre ! L’Aedes albopictus (son petit nom savant) se plaît désormais jusqu’à Strasbourg. Voici pourquoi, et surtout comment, lui barrer la trompe.
Expansion 2024 : une carte de France zébrée
Le moustique tigre a débarqué officiellement en métropole en 2004 à Menton. Vingt ans plus tard, l’Hexagone ressemble à une œuvre de Vasarely, striée de rayures orange sur la carte officielle de l’Agence régionale de santé (ARS).
- 72 départements colonisés en mai 2024
- 5 régions encore « vertes » mais sous surveillance (Bretagne, Normandie, Centre-Val de Loire, Île-de-France ouest, Corse montagneuse)
- Température moyenne estivale en hausse de 1,7 °C depuis 1990 (Météo-France)
Le moustique tigre profite d’objets banals : soucoupes à fleurs, gouttières bouchées, pneus usagés. D’un côté, l’urbanisation dense lui offre des gîtes minuscules ; de l’autre, la mondialisation des échanges (containers, plantes exotiques) accélère son transport passif. À Marseille, les contrôles portuaires ont saisi cinq cargaisons de bambous infestés depuis janvier 2024.
Pourquoi le moustique tigre inquiète-t-il les épidémiologistes ?
Un vecteur multicarte
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe le moustique tigre parmi les dix menaces sanitaires réémergentes. Il transmet :
- Dengue (plus de 6 millions de cas dans le monde en 2023)
- Chikungunya
- Zika
- Virus West Nile (observé en Camargue en 2022)
En France, 66 cas autochtones de dengue ont été confirmés en 2023, record historique (Santé publique France). L’affaire est sérieuse : pas besoin de voyager pour ramener le virus, votre terrasse suffit.
Mécanique du risque
Le moustique tigre est diurne ; il pique au petit matin et en fin d’après-midi. Les femelles pondent jusqu’à 200 œufs par cycle, capables de survivre six mois en période sèche. Rajoutez une pluie d’orage, et vous obtenez un nuage d’adultes en moins de dix jours.
On touche ici au cœur du problème : les virus se répliquent plus vite dès 25 °C. Paris a connu 25 jours au-dessus de ce seuil à l’été 2023, soit deux fois plus qu’en 1991. Climato-logique !
Comment se protéger efficacement ?
Les bons gestes (zéro gadget)
- Videz chaque semaine soucoupes, arrosoirs, jouets de jardin.
- Couvrez récupérateurs d’eau avec un voile moustiquaire.
- Utilisez du Bacillus thuringiensis israelensis (BTI), larvicide biologique disponible en jardinerie.
- Portez des vêtements longs, clairs et amples ; le noir attire l’insecte.
- Appliquez un répulsif contenant icaridine 20 % ou DEET 30 % (l’Agence nationale de sécurité sanitaire, ANSES, valide ces concentrations).
Le rôle des collectivités
À Nice, 420 bornes pièges « Gravid Aedes Trap » quadrillent déjà les parcs. Lyon teste depuis avril 2024 des drones pulvérisateurs de BTI sur les toits inaccessibles. L’Institut Pasteur coordonne un programme citoyen : “Signalement-Tigre” a reçu 104 000 notifications en 2023.
(D’un côté la surveillance high-tech rassure, mais de l’autre elle coûte : 1,2 million d’euros par an à la métropole de Lyon. À méditer quand on jette un gobelet dans la gouttière !)
Qu’est-ce qu’un moustique tigre “implanté” ?
Un département est considéré comme implanté lorsque l’insecte est détecté deux années de suite ET que des œufs sont retrouvés dans au moins trois communes. Ce critère, défini par l’EID Méditerranée, permet de hiérarchiser les actions : démoustication ciblée, plan canicule-arboviroses, mobilisation des médecins libéraux.
Faut-il craindre une épidémie majeure en France ?
Les experts divergent. Pour le virologue Bruno Lina (Université Lyon 1) « une flambée type La Réunion 2006 reste possible, mais la densité vectorielle métropolitaine reste inférieure ». Pourtant, la Réunion a vu 266 000 cas de chikungunya en un an ; il suffit donc d’un super-cluster urbain, d’un été très chaud et d’un patient vireux pour allumer la mèche.
De mon côté, j’ai couvert en 2017 l’épisode de dengue autochtone à Nîmes : sept cas, un îlot de trois rues, et pourtant un impact médiatique énorme. Les riverains craignaient « la guerre biologique ». La vraie bataille se joue surtout sur la pédagogie : expliquer que supprimer les eaux stagnantes agit plus qu’un camion de fumigation façon Apocalypse Now.
2030 : scénario noir ou espoir ?
Imaginez 90 départements colonisés, la dengue endémique jusqu’à Lille, et la vente libre de moustiquaires traitées à la perméthrine en supermarché. C’est l’hypothèse pessimiste du Haut Conseil de la santé publique. À l’inverse, Montréal a réduit de 38 % les populations d’Aedes en trois ans grâce aux pièges autodiffusants d’insecticide. Tech optimiste ? Peut-être.
Ce qui est sûr : la lutte passera par un cocktail stratégie – recherche – citoyens. Les thématiques voisines telles que la virologie émergente, la résistance aux insecticides ou encore l’usage raisonné des pesticides bio méritent un œil attentif pour un maillage d’actions cohérent.
Je vous laisse refermer cette page pour aller inspecter vos jardinières. Ma conviction ? Chaque coup de balai dans une gouttière vaut un billet d’avion annulé pour le moustique tigre ! Et si vous souhaitez creuser le sujet des maladies vectorielles ou découvrir comment nos laboratoires évaluent les répulsifs, notre exploration continue juste après ce texte.
