Le moustique tigre n’est plus un simple voyageur exotique : en 2024, il a déjà colonisé 78 départements français, soit +15 % en un an selon Santé publique France. Cerise (piquante) sur le gâteau : 2023 a enregistré 65 cas autochtones de dengue dans l’Hexagone, un record depuis l’introduction du petit Vampire rayé. Bref, notre été s’annonce bourdonnant. Voyons comment, pourquoi et surtout quoi faire.
Cartographie 2024 : où se cache vraiment le moustique tigre ?
Le moustique tigre — Aedes albopictus pour les intimes latinistes — s’est offert en trente ans un tour d’Europe digne d’Ulysse.
Expansion express
- 1990 : première détection en Albanie.
- 2004 : débarque à Nice via un cargo de pneus usagés.
- 2019 : 51 départements français colonisés.
- 2024 : 78 / 96 départements (source : Ministère de la Santé, mai 2024).
La Nouvelle-Aquitaine affiche la plus forte progression : +6 départements colonisés en douze mois, jusqu’aux portes de Bordeaux. Même l’Île-de-France, longtemps épargnée, voit ses parcs devenir terrain de chasse à l’aube et au crépuscule.
Petite madeleine de Proust : autrefois, seul le moustique commun (Culex pipiens) nous chantait aux oreilles en Camargue. Aujourd’hui, la symphonie est à deux voix et la partition vire parfois au thriller sanitaire.
Des zones rouges… mais variables
D’un côté, la façade méditerranéenne (Marseille, Montpellier, Toulon) reste l’épicentre, favorisée par la douceur hivernale.
De l’autre, la façade atlantique voit une installation plus fragile : un hiver rigoureux peut encore réduire la population de larves. Cette plasticité écologique explique la mosaïque de décisions préfectorales (dératisation ciblée, campagnes SMS) que connaissent, par exemple, les habitants de la Vendée ou du Morbihan.
Comment se protéger du moustique tigre chez soi ?
Question simple, réponse multi-couches — comme un oignon, mais sans les larmes (quoique).
Le b.a.-ba anti-piqûre
- Supprimer l’eau stagnante : coupelles, arrosoirs, jouets. 1 cm d’eau suffit à 200 œufs.
- Installer des moustiquaires aux fenêtres et autour du berceau.
- Porter des vêtements longs, clairs et amples au crépuscule.
- Utiliser des répulsifs contenant IR3535 ou DEET (norme OMS) sur la peau exposée.
- Privilégier les ventilateurs : le flux d’air perturbe le vol d’Aedes.
Quid des remèdes de grand-mère ?
Le géranium citronné ? Beau mais inefficace au-delà de 20 cm. Les huiles essentielles ? Odeur agréable, protection courte, déconseillée aux femmes enceintes. Seule exception validée par l’Institut Pasteur : le Bacillus thuringiensis israelensis (BTI), bactérie larvicide sans danger pour l’homme.
Et la haute technologie ?
Depuis 2022, la start-up française Qista installe des bornes aspirantes à Arles et à Abu Dhabi. Coût : 900 € l’unité, efficacité : –88 % de piqûres mesurées dans un rayon de 60 m (étude interne validée par l’IRD). Pas encore la panacée, mais un jalon vers la « smart-city sans moustique ».
Le coût sanitaire et sociétal d’une piqûre
Le moustique tigre n’est pas qu’un désagrément auditif.
- Dengue : 390 millions d’infections/an dans le monde (OMS).
- Chikungunya : 1 cas autochtone à Fréjus en 2010, 9 à Montpellier en 2014, 4 à Toulon en 2017.
- Zika : pas encore de transmission locale en France métropolitaine, mais 6 cas importés en 2023 (Santé publique France).
En euro sonnant : l’épisode de chikungunya à la Réunion (2005-2006) a coûté 43 M€ à l’Assurance maladie. Chaque cas grave hospitalisé en métropole avoisine 3 800 € (données 2022, HAS). Sans parler des journées de travail perdues : 7 jours d’arrêt moyen pour une dengue classique.
D’un côté, l’impact budgétaire reste marginal comparé à la grippe saisonnière. Mais de l’autre, l’augmentation exponentielle des cas autochtones nourrit la crainte d’une épidémie plus large, surtout dans un climat qui se réchauffe (rapport Météo-France 2024 : +1,9 °C depuis 1900).
Faut-il vraiment paniquer ? Entre fantasmes et réalité
Grâce à la surveillance renforcée, la détection précoce reste notre bouclier. Le dispositif Signalement-Moustiques a enregistré 28 000 alertes en 2023, soit +40 % en un an. Derrière l’appli, un réseau de 120 entomologistes et l’Anses traquent chaque larve signalée.
Pourtant, chaque été, les réseaux sociaux débordent de photos alarmistes (parfois d’insectes… qui ne sont même pas des moustiques). Alors, comment faire le tri ?
« Qu’est-ce que distingue un moustique tigre d’un moustique banal ? »
Réponse rapide :
- Taille : 5 à 7 mm, plus petit qu’un Culex.
- Rayures noires et blanches (comme un pyjama d’arbitre).
- Activité diurne, surtout matin et fin d’après-midi.
- Vol silencieux : s’il bourdonne fort, ce n’est pas lui.
En cas de doute, capturez-le avec un verre, photographiez-le sur fond blanc, puis envoyez la photo via l’appli iMoustique®. Vous aiderez la cartographie nationale et votre karma sanitaire.
Derrière l’antenne : anecdote de terrain
Juillet 2023, banlieue de Toulouse. J’accompagne l’équipe de la Brigade d’Intervention Vecteurs. Nous relevons des pondoirs-pièces : un vieux pneu, un jouet cassé, trois bouchons de bouteille remplis d’eau de pluie. Trente minutes plus tard, sous la loupe, 432 larves gigotent. Le technicien lâche, pince-sans-rire : « Un bac à sable ? Non, un buffet à volonté. » Moralité : l’écologie domestique est notre première ligne de défense.
Vers un futur piqué de solutions
Recherche d’insecticides biosourcés, lâchers de mâles stérilisés (programme SIT à La Réunion), vaccins contre la dengue approuvés par l’EMA en 2022… Les pistes foisonnent. Mais n’oublions pas la règle d’or du professeur Peter Piot (co-découvreur d’Ebola) : « La première innovation, c’est la vigilance communautaire. »
Merci d’avoir bourdonné jusqu’ici avec moi. Si ces données vous ont démangé l’esprit, continuez à explorer nos dossiers « chaleurs extrêmes » et « qualité de l’air » : tout est lié. Votre jardin, votre balcon, votre quartier peuvent devenir un laboratoire de santé publique. Alors, parés pour l’été ?
